Ngum, 28 ans, silhouette élancée, dans une robe en pagne multicolore, fixe le paysage défilant par la fenêtre du bus. Ses yeux, d’un noir profond comme la nuit, trahissent une tempête intérieure. Un frisson glacial parcourt sa colonne malgré la chaleur étouffante du véhicule noir de monde. Ses doigts, aux ongles rongés par l’anxiété, serrent nerveusement le bord de son sac à main usé.
Six longues années se sont écoulées depuis qu’elle a quitté son village natal, Djoum. Six années marquées par les déceptions, les frustrations et les épreuves qui l’ont poussée à se prostituer dans les bas-fonds de Douala, la gigantesque métropole du pays.
Aujourd’hui, Ngum est de retour à Djoum, non pas par nostalgie du foyer qu’elle a fui, mais par pure nécessité. Une nécessité dictée par un homme au visage terne et aux yeux d’acier, un homme qu’elle connaît sous le nom de Smith. Un homme qui lui a promis cette vie tant rêvée- en échange d’une seule chose.
Le cœur de Ngum se serre à l’idée d’accomplir un acte aussi odieux. L’image de sa mère, Maman Ngoune, une femme aux traits usés par le temps mais dont les yeux pétillaient encore d’amour et de tendresse, lui revient en mémoire. Comment pouvait-elle envisager de tuer celle qui l’avait portée sur ses neuf mois, qui l’avait nourrie, élevée et aimée inconditionnellement ?
Le bus tangue sur la route poussiéreuse, soulevant des nuages de terre rouge qui s’infiltrent par les fenêtres ouvertes. Ngum ferme les yeux, essayant de chasser les pensées qui l’assaillent. Elle se remémore les paroles de Smith, sa voix glaciale résonnant dans son esprit : “Tu n’as pas le choix, Ngum. C’est ta seule chance de sortir de cette misère. Pense à toi, à ton avenir. Ta mère a vécu sa vie, il est temps qu’elle laisse la place aux jeunes.”
Mais les mots de Smith ne parviennent pas à étouffer la voix de sa conscience. Des images de son enfance heureuse à Djoum défilent devant ses yeux : les jeux avec ses frères et sœurs, les rires partagés avec ses amis, les soirées passées autour du feu à écouter les contes de Maman Ngoune. Comment pouvait-elle briser cette chaîne d’amour qui la liait à sa mère ?
Le bus ralentit et s’arrête devant un carrefour poussiéreux. Ngum ouvre les yeux et se précipite vers la sortie, son sac à main serré contre sa poitrine. Elle se retrouve dans une foule de passagers bruyants, tous pressés de rejoindre leur destination. L’air est lourd de l’odeur d’épices, de poussière et d’essence.
Ngum inspire profondément, essayant de calmer ses nerfs. Elle sait qu’elle est arrivée à un point de non-retour. Elle s’est fait une promesse, et elle est déterminée à la tenir, même si cela signifie sacrifier la chose la plus précieuse qu’elle possède : l’amour de sa mère.
D’un pas résolu, elle s’engage sur le chemin qui mène à la maison familiale. Le soleil brûlant tape sur son dos, mais elle ne le sent pas. Son esprit est accaparé par la tâche macabre qui l’attend. Elle est Ngum, la fille perdue, et elle est sur le point de commettre un acte irréparable.
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